Fondatrice d’Atsumi, Cécile Guinnebault est entrée dans le monde du coaching de leaders de manière surprenante. Grâce à son expérience, elle aide aujourd’hui les professionnels à mieux communiquer. Cécile nous raconte son parcours et les anecdotes étonnantes qui jonchent son quotidien professionnel. Prêt ? 3, 2, 1.. go !
Interview de Cécile Guinnebault
Hugues Hippler : Comment votre talent pour le jeu de go vous a-t-il permis de découvrir le monde de la formation de leaders ?
Cécile Guinnebault : Jean-Christian Fauvet, créateur de la sociodynamique a utilisé le jeu de go comme métaphore de stratégies de projet complexes. Sur le fond, cette intuition était géniale, mais en pratique, la validité des enseignements se heurtait à la faible maîtrise du jeu par les consultants. J’animais au sein de la Fédération française de go différents cours pédagogiques dont un pour les adultes débutants. J’y ai donc rencontré un consultant d’entreprise (Bossard) en 1992. Voir le contraste, entre lui et les étudiants, chercheurs et autres profs en vacances qui s’adonnaient à leur jeu favori, était comique ! L’accueil des joueurs fut un peu froid à l’époque. Qu’on puisse « exploiter » leur jeu à des fins mercantiles en hérissait plus d’un. Très vite toutefois, ce consultant et moi avons décidé de travailler ensemble. Ce travail a donné lieu, début 1994, à la publication de « Management d’entreprise et stratégie du go ». Le succès du livre et de l’offre de formation associée ont amené l’entreprise à me proposer d’intégrer leurs équipes. C’est comme cela que je suis devenue formatrice. Quelques années plus tard, j’ai complété mon apprentissage professionnel en participant à des projets de conseil en management et organisation jusqu’à devenir chef de projet. Au début des années 2000, ce sont mes clients qui m’ont amenée au coaching. La discipline se développait en France. Ma pratique du coaching s’est donc immédiatement positionnée de manière opérationnelle, nourrie par dix ans de formation et conseil en management, à une période où le marché du coaching se structurait majoritairement autour d’approches plutôt « psy ».
Hugues Hippler : C’est donc là que vous avez créé Atsumi…
Cécile Guinnebault : C’est tout ce parcours qui a servi de fondations à la création d’Atsumi. Ce nom fait référence au go par sa consonance japonaise, et la signification même d’Atsumi résume ce que j’apporte à mes clients : maximiser leur influence grâce à des stratégies adaptées et acquérir de la solidité comportementale en toute situation. Le dosage de conseil, de formation et de coaching est décidé en concertation avec chaque client pour maximiser l’impact de mes interventions. Pour moi, l’outil doit toujours s’effacer au profit du résultat recherché. Si un outil ou une approche n’est pas adapté à une problématique ou une personne, j’en change ! En quoi le jeu de go permet-il d’intervenir en coaching ? Le go est un jeu de stratégie qui développe des schémas d’analyse et des principes de décision qui peuvent être transposés aux stratégies de conquête, de partage de territoires, de coexistence, de projet à long terme, de mobilisation collective. Je m’appuie sur les schémas d’analyse du go pour accompagner mes clients sur ces problématiques-là.
Hugues Hippler : Comment s’établit un diagnostic avec un client ? Connaissez-vous à l’avance la durée du suivi que vous allez lui proposer ?
Cécile Guinnebault : C’est une question intéressante car la démarche coaching est rarement envisagée sous l’angle du diagnostic. La plupart du temps, la demande est vue sous forme d’objectif de changement, ce qui suppose que le diagnostic est déjà posé. Il est toujours difficile de savoir à l’avance combien de temps va durer un coaching, d’autant que l’approfondissement du diagnostic peut faire sortir des conditions de succès très inattendues. C’est pourquoi je propose de plus en plus des tranches de 4 à 6 séances renouvelables, rythmées par des points d’avancement avec le donneur d’ordre. Dans les coachings de préparation d’une échéance, le nombre de séances est dicté par le temps restant entre la demande et le jour J d’une part, et l’agenda de la personne accompagnée d’autre part.
Hugues Hippler : Comment se met en place un programme d’exercices efficaces ?
Cécile Guinnebault : La question clé est toujours liée aux limites de la personnalité que j’accompagne. Avec certains, je reste sur des approches factuelles, concrètes, qui rationalisent la perception. Avec d’autres, je suis capable d’aller plus loin dans les associations d’idées ou les expériences émotionnelles décalées. La plupart du temps, il existe plusieurs méthodes ou outils, qui sont autant de raccourcis pour aider mes interlocuteurs à prendre du recul. Je peux choisir et adapter des exercices connus ou en inventer, grâce à mon expérience de 25 ans en pédagogie enfantine et adulte. Je n’ai pas peur de me tromper : si l’objectif est clair et l’intention bienveillante, un peu de tâtonnement n’est pas grave. Un exercice ne produit pas l’effet escompté, j’en essaie un autre ! Il convient juste de rester à l’écoute des réactions de la personne accompagnée pour ne pas perdre un temps précieux dans une impasse. Car en coaching plus qu’en thérapie, le temps est compté.
Hugues Hippler : Peut-on constater des progressions rapides ?
Cécile Guinnebault : Très préoccupé par son débit de parole trop rapide et son manque d’autorité apparent (c’est lui qui parle), un brillant avocat a fait appel à moi. Je l’ai fait discuter à bâtons rompus une après-midi entière en utilisant un niveau de langage très supérieur à celui qu’il utilise habituellement : prononcer toutes les liaisons, les négations et syllabes avalées, éviter des mots ou des tournures usuelles, etc. Au bout de quelques minutes à peine, il s’entendait parler lentement et doctement ! Ce simple exercice para-verbal a contribué à le renforcer simultanément sur ses deux objectifs de progrès.
Hugues Hippler : Parmi vos outils se trouve la Programmation Neuro Linguistique. Toutefois, êtes-vous d’accord avec toute la théorie ?
Cécile Guinnebault : Non. Je suis en désaccord avec l’interprétation du mouvement des yeux : c’est du reste sur votre site que j’ai eu la confirmation de mes doutes ! (voir : le mouvement des yeux en Programmation Neuro Linguistique). Le côté un peu systématique des techniques d’ancrage / désancrage me gêne un peu aussi : elles supposent une bonne dose d’autosuggestion que tout le monde n’est pas prêt à fournir.
Hugues Hippler : Quelle notion de la communication non verbale vous a le plus étonnée ?
Cécile Guinnebault : L’universalité de l’expression des émotions de base ! Fan de Darwin et grande voyageuse, je n’avais jamais touché du doigt que le fond émotionnel de l’humanité s’exprime de manière identique chez tous les humains et même chez certains animaux. Il a fallu que je le lise, notamment sur votre site, pour me dire : « Bon sang, mais c’est bien sûr ! » Ce qui m’a aussi épatée, c’est l’efficacité relationnelle qu’une meilleure conscience de son non-verbal procure. Dès que vous mettez en place une routine non-verbale de manière constante et systématique, les retours sont immédiats, y compris de la part de gens avec lesquels vous avez peu d’interactions ou des interactions de faible intensité.
Hugues Hippler : Quelle est la demande la plus extravagante ou étonnante que vous avez connue ?
Cécile Guinnebault : Elles viennent souvent des « n+1 », qui voudraient avoir des collaborateurs parfaits sans remettre en cause leur propre comportement ! Beaucoup délèguent les recadrages au coach, n’ayant pas le courage de les faire. Un responsable m’a même demandé de faire comprendre à son adjoint d’arrêter l’alcool et les stupéfiants au travail ! Il a confondu son rôle, celui de la médecine du travail et d’un coach. Le DRH a fini par remettre chacun à sa place ! Certains accompagnés demandent à être jugés ou attendent une aide qui tomberait du ciel. Le coach doit les aider à comprendre que c’est en eux qu’ils trouveront les ressources. C’est déjà bien de demander de l’aide quand on en a besoin. Tellement en sont incapables.
Hugues Hippler : Quid de l’exercice le plus étonnant mis en place ?
Cécile Guinnebault : Une chef de service et sa nouvelle directrice étaient en conflit. La première, habituée à être sous l’autorité d’un homme, ne tolérait pas l’idée d’être dirigée par une femme. Et encore moins par celle-là ! Je leur ai donc proposé de construire, séparément, un plan leur permettant de se débarrasser de « l’autre » ! Nous avons donc passé des séances entières à concocter des plans abominables. Comme prévu, mais après un long moment, la chef de service a calé, s’apercevant que son plan s’avérait aussi risqué pour elle-même. Ceci n’a été possible que grâce au soutien de la directrice, une femme solide, dotée d’un grand recul et de beaucoup d’humour. Une fois qu’elles ont appris à coexister puis à travailler ensemble, nous avons passé toutes les trois une après-midi à parcourir le chemin qu’elles avaient franchi l’une vers l’autre. Elles travaillent encore ensemble aujourd’hui. C’est une de mes plus grandes satisfactions professionnelles.
Hugues Hippler : Le lieu des séances a-t-il une vraie importance ?
Cécile Guinnebault : En général, mes clients me demandent de venir les voir sur leur lieu de travail. Cela leur évite de passer de précieuses heures dans les transports. Pour la plupart, ils réservent dans leur entreprise un endroit calme hors de leur bureau, à un autre étage. Parfois, quand les lieux s’y prêtent, je termine une séance forte à l’extérieur : la marche et le grand air aident la personne à reprendre le contrôle de ses émotions avant de retourner dans des interactions professionnelles où chacun doit faire un tri prudent des émotions qu’il exprime. Quand le client ne peut venir jusque chez moi et n’a pas de lieu où s’isoler dans son entreprise. j’explore des quartiers entiers à la recherche d’une salle tranquille et propice à un entretien. Ça se trouve et j’ai souvent été bien aidée par des restaurateurs compréhensifs ! Je préfère cette solution à celle des bureaux loués pour 2h, trop impersonnelle à mon goût.
Hugues Hippler : Pourquoi le client va-t-il voir un coach plutôt qu’un psy plus traditionnel ?
Cécile Guinnebault : Les coachings que je fais sont professionnels, financés par l’entreprise et s’adressent à des gens qui ont des progrès à réaliser dans leur développement ou des difficultés à résoudre, voire des échéances. L’employeur finance une démarche qui doit être bénéfique pour tous. Il n’a pas de droit de regard sur le contenu du coaching mais s’intéresse la plupart du temps aux objectifs et aux résultats. Une psychothérapie n’intéresse que les patients, ne regarde qu’eux et elle est financée par eux. Maintenant, nous avons tous observé qu’il existe un champ de pathologies psychologiques directement liées à l’univers professionnel. Le terme à la mode est « risques psycho-sociaux » et tout un secteur d’activité est en train de se structurer autour de cela. De fait, certaines souffrances naissent et se développent au travail, nécessitent une psychothérapie… hélas les psychothérapeutes qui connaissent l’entreprise ne sont pas légion ! Des thérapeutes de ville n’ayant jamais mis les pieds dans une entreprise peuvent amener leurs patients à des situations professionnelles désastreuses. Et des salariés sont prêts à souffrir le martyre plutôt que d’aller voir un psy assermenté par leur DRH ! Dans ces cas-là, je pense qu’il y a matière à proposer, à l’extérieur de l’entreprise et dans le cadre d’une démarche personnelle, une double compétence de psychologie clinique et de management, pour que la personne puisse résoudre ses souffrances liées au travail sans se mettre en danger vis-à-vis de son entourage professionnel. Que le praticien s’appelle coach ou psy est secondaire.
Hugues Hippler : Dans votre livre, vous faites plusieurs fois référence à notre site !
Cécile Guinnebault : Votre site – www.la-communication-non-verbale.com – est une mine d’or ! Il a été ma principale source méthodologique et d’inspiration pour écrire : « Et si je faisais bonne impression, communication non verbale mode d’emploi ». Mes premières recherches m’avaient invariablement menée vers des articles concernant l’interprétation du langage non verbal, avec un peu tout et son contraire et surtout, ce qui m’horripilait, des affirmations péremptoires sans aucune explication. J’ai découvert votre site, qui proposait des articles synthétiques à partir des découvertes scientifiques les plus récentes. Cela m’a servi de ligne de conduite pendant toute l’écriture du livre : je me suis obligée à étayer chacun de mes propos par des travaux scientifiques et à laisser tomber ce que je ne pouvais documenter. Votre site a été mon point de départ et une fois que j’avais pris le pli, j’ai pu aller chercher plus loin. Un grand merci à toute l’équipe !
Hugues Hippler : Retrouvez toutes les informations de Cécile Guinnebault sur Atsumi et le livre « Et si je faisais bonne impression, communication non-verbale mode d’emploi »
Propos recueillis par Hugues Hippler