
La méthode Reid est une méthode d'audition et de confession criminelle créée par John Reid et Fred Inbau. Diplômés en droit, ils travaillaient dans le département de police scientifique de Chicago. En 1962, ils cosignent "interrogation and criminal confession", livre qui fonde les bases de la méthode Reid.
Cette méthode distingue deux phases dans le processus d'interrogation. La première partie de l'audition est non accusatoire, ayant pour but de récolter et de rassembler de l'information. A ce niveau là, la culpabilité du suspect n'est pas sûr et l'entrevue peut être menée dans divers environnements. Différents types de questions sont posées, dont des questions dites à réaction comportementale qui devront permettre de faire la différence entre coupable et innocent. Pour la détection du mensonge, l'interrogateur va se baser sur un ensemble d'indicateurs de la communication non verbale. Si la culpabilité du suspect est raisonnablement certaine alors l'interrogateur peut décider de passer à la deuxième phase de l'audition.
La deuxième partie de l'audition est accusatrice et l'environnement, où elle se déroule, doit être contrôlé. Cette partie de l'audition s'organise en 9 étapes, et a pour but de découvrir la vérité, c'est à dire d'amener les coupables à la confession. Les 9 étapes de la méthode Reid sont:
1: La confrontation directe: Faire comprendre au suspect que les preuves détenues mènent sans aucun doute à lui, et que le but de l'audition n'est donc pas de savoir s'il a commis l'offense mais de connaitre ses motivations.
2: Le développement du thème: Le développement du thème va offrir des excuses morales au suspect dans le but de minimiser la culpabilité du suspect. Ici le but est d'obtenir un premier acquiescent du suspect. Les thèmes doivent changer au cours de l'audition pour trouver celui qui correspond au suspect.
3: Traiter les démentis: Les démentis interviennent suite à l'accusation et à l'énonciation du thème. Le but est de décourager le suspect du dénis de sa culpabilité. Les coupables passeront à une autre stratégie alors que les innocents resteront à cette étape.
4: Surmonter les objections: Suite à l'échec de leur démentis les trompeurs vont utiliser les objections comme stratégie offensive. Les trompeurs veulent alors entrer dans un argumentation pour écarter l'interrogateur du thème de l'audition. L'interrogateur devra alors encourager les objections tout en continuant le développement du thème.
5: Recapter l'attention du suspect: En voyant que ses efforts n'ont pas d'effet sur l'interrogateur, le suspect peut entrer dans un mutisme et se détacher de l'audition. L'interrogateur doit recapter et maintenir l'attention du suspect.
6: Traiter l'humeur passive: Le suspect est passif, ne réagit plus, et devient résigner. Le suspect pèse ici le pour et le contre, entre s'il doit ou non dire la vérité.
7: Question alternative: Suite à l'humeur passive, l'interrogateur expose des propositions sur certains aspects du crime.
8: Avoir des détails de l'offense: Lorsque le suspect admet l'une des propositions de l'étape 7, cela doit être considéré comme une première admission de culpabilité qui doit être développée en une véritable confession.
9: Déposition: Faire signer une déposition écrite de la confession faite pendant l'audition.
La méthode Reid est une des techniques d'interrogatoire les plus utilisée au monde. Mais dans plusieurs pays, comme la France, cette technique n'est pas compatible avec la législation en vigueur. Par exemple, en France la présomption d'innocence ne permet pas une application stricte de cette méthode qui est en partie accusatrice.
- Inbau, Reid, Buckley, & Jayne. (2004). Criminal Interrogation and Confessions. Jones and Bartlett.
2 commentaires:
La littérature et les études en matière de confession criminelle sont extrêmement riches sur le continent américain. Elles font à ce jour office de référence dans l'univers policier.
Le mécanisme de l'aveu a longuement été décrit par Michel St Yves et Michel Tanguay.
La première question que devrait se poser tout enquêteur est « pourquoi le mis-en-cause ne va-t-il pas ou ne veut-il pas avouer son crime? ». Ainsi au travers de techniques d'audition (REID, PEACE ou autre), de la pertinence des éléments de preuves collectées et de l'observation d'item non-verbaux, le policier peut mettre en place une stratégie d'interrogatoire.
Dans le processus d'aveu deux paramètres sont à prendre en considération, les conséquences réelles/concrètes et les conséquences personnelles.
→ Les conséquences réelles/concrètes sont engendrées par les implications futures de l'aveu. Elles sont nombreuses et comptent entre autre la peur de la sanction pénale (pour le primo délinquant), la peur de perte de liberté, la peur de la peine de mort, la peur de la perte d'un emploi, la peur de perte financière, la peur de perdre sa famille, la peur du regard des autres etc. Elles sont autant d'obstacles au processus d'aveux.
→ Les conséquences personnelles sont les plus difficiles à gérer et à débloquer pour un enquêteur. Elles font appel aux pressions internes dont souffre le mis-en-cause et sont liées à sa personnalité. Elles sont plus d'ordre émotionnel (honte, culpabilité, perte de l'estime de soi...).
L'enquêteur doit être beaucoup plus attentif et à l'écoute du suspect pour dédramatiser la situation.
Le profil du suspect et le type de crime sont également des facteurs déterminant dans le processus d'aveux. Ce sont des paramètres que l'enquêteur doit prendre en considération.
La méthode REID semble efficace pour "briser" certaines résistances afin de permettre au suspect d'avouer son crime. Cependant s'agissant d'une technique « persuasive » et « accusatrice » on peut s'interroger sur la pertinence de la collecte des aveux et la véracité des confessions (confessions volontaires, par résignation ou par persuasion?)
St Yves quant à lui préconise cinq règles essentielles pour réduire les risques et réussir une audition. .../...
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1- Garder l'esprit ouvert et rester objectif
Nous savons qu'en situation d'entretien les 30 premières secondes sont décisives. C'est à ce moment là que les parties se forgent une impression de l'une et de l'autre.
L'enquêteur doit veiller à ne pas guider son audition sur le fondement de son intime conviction, il ne doit pas se fier à son expérience personnelle ; mettre de côté les préjugés et les stéréotypes. Il doit rester lucide et objectif. (Cf affaire d'Outreau par exemple).
2-Construire un rapport
Il faut engager une relation avec l'autre. Créer un climat de confiance et être attentif aux besoins (Cf Maslow). Selon le cas l'enquêteur doit savoir ressentir l'autre et faire preuve d'empathie.
3-Écouter
Entendre ne veut pas dire écouter. C'est par l'attention portée au mis-en-cause que l'enquêteur aura le plus de chance d'obtenir des aveux. L'enquêteur devra manifester des encouragements, utiliser des paraphrases, identifier des émotions, poser des questions ouvertes et laisser place à des silences. Le contact physique peut contribuer à renforcer le sentiment d'être écouté.
Une étude en France (Py) a démontré que 85% des Officiers de Police Judiciaire interrompaient au bout de 7,5 secondes le mis-en-cause à l'issue d'une question...
4-Garder une attitude professionnelle
Deux approches sont utilisés régulièrement par les enquêteurs, soit une approche persuasive soit une approche de confrontation (Moston et Engelberg)
Lorsque qu'un enquêteur fait face au déni ou au silence, dans la plupart des cas il a tendance à répéter la question avec un ton de voix plus fort et plus agressif ou conclut simplement que le suspect ment.
Rester professionnel c'est faire preuve d'habileté pour négocier et adopter un attitude « humaniste ». Il faut découvrir la vérité, l affaire jaillir plutôt que de la chercher à tout prix.
L'attitude professionnelle est également conditionnée par la spécialisation de l'enquêteur (moeurs, finances, crime, stupéfiants...). Par exemple, quelle crédibilité peut avoir un enquêteur non initié aux enquêtes financières face à un comptable?
5-Savoir conclure.
Un interrogatoire est souvent source de fortes émotions surtout s'il se termine par des aveux.
L'enquêteur devra également s'assurer que tous les points ont été élucidés et si le mis-en-cause n'a rien à ajouter.
En cas de non obtention d'aveux. L'enquêteur doit veiller à laisser une bonne impression au suspect afin de laisser l'opportunité de les obtenir plus tard.
Quoi qu'il arrive, il ne peut exister une seule méthode d'audition. L'enquêteur doit avoir une « caisse à outils » de techniques et de connaissances, dans laquelle il puise en fonction de la situation, du suspect et de l'infraction.
(Ref : "Psychologie de l'enquête criminelle-La recherche de la vérité" M.St Yves ; "Psychologie de l'entrevue d'enquête" M.St Yves)
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